Projet innovant cherche gestionnaire qui sort des sentiers battus

La gestion de projet en contexte d’innovation
Il fut un temps où la gestion de projet rimait avec échéancier, Gantt et livrables définis dès le départ. Mais ce temps s'efface dès qu'on entre dans le monde de l'innovation. Ici, on avance dans le brouillard, entre inconnues multiples, besoins à valider, parties prenantes mouvantes et solutions encore à inventer. Dans un tel contexte, gérer un projet ne signifie plus seulement livrer à temps : cela implique de créer collectivement du sens, d’apprendre en marchant et d’orchestrer l’inconnu.
Comprendre l’innovation : un terrain d’exploration, pas de certitudes
L’innovation, ce n’est pas une idée brillante tombée du ciel. C’est un processus intentionnel visant à créer de la valeur de manière nouvelle. Elle peut être technologique, sociale, organisationnelle ou commerciale, tant qu’elle est perçue comme novatrice et transformatrice en répondant à un besoin latent ou exprimé.
Pour sortir de l’association trop réductrice « innovation = techno », on peut s’appuyer sur le cadre des 10 types d’innovation de Doblin, qui rappelle qu’on innove autant dans le modèle d’affaires, les processus, les services ou la relation client que dans le produit lui-même.
Ce qui rend l’innovation unique, c’est sa dose assumée d’incertitude. On ne connaît ni le chemin, ni la destination. Il faut explorer, tester, ajuster, échouer parfois… mais surtout apprendre activement.
Gérer un projet d’innovation : entre rigueur et agilité
Dans un monde marqué par les logiques VUCA (Volatilité, Incertitude, Complexité, Ambiguïté) et BANI (Fragilité, Anxiété, Non-linéarité, Incompréhensibilité), il devient clair que les approches de gestion de projet traditionnelles ne suffisent plus. Les projets innovants, eux, embrassent l’incertitude pour mieux en faire un levier de création de valeur.
Contrairement à la gestion classique qui vise l’efficience dans l’exécution, la gestion de projet en innovation cherche à maximiser l’apprentissage, la pertinence et la valeur émergente. Elle navigue entre deux besoins :
- Structurer l’exploration : avec des outils comme le modèle Stage-Gate, où l'on évite de brûler toutes ses ressources financières en dérisquant chaque étape de façon incrémentale.
- Explorer avec souplesse : les approches Agile permettent d’avancer par itération, de tester avec les usagers, de réajuster la trajectoire en continu.
Le plus souvent, une approche hybride s’impose : les approches Agile sont déployées tôt dans le processus de façon à définir ce qui sera nécessaire de faire, puis plus on avance et plus le degré d’incertitude diminue, plus on peut se projeter et gérer le projet avec la méthode Waterfall. Ce n’est pas la méthode qui fait la différence, c’est la posture avec laquelle on la met en œuvre.
Il faut aussi savoir alterner entre exploration (expérimenter, tester, comprendre le bon problème) et exploitation (industrialiser, structurer, livrer efficacement). Savoir « faire la bonne chose » précède « bien faire les choses ».
Et parfois, faire la bonne chose, c’est… arrêter.
Collaborer pour innover : une compétence-clé
Dans un projet innovant, on ne pilote pas seul. Startups, directions internes, experts, citoyens, partenaires publics… les acteurs sont nombreux et souvent peu habitués à travailler ensemble. C’est pourquoi la gestion de projet devient un art de la collaboration. Les intérêts du groupe doivent primer sur les intérêts des individus. Dans ce cadre, l’animation et la facilitation revêtent souvent une importance plus grande que la gestion même des livrables, car elles permettent de conserver l'alignement des parties prenantes.
Le ou la gestionnaire agit alors comme :
- Sense-Maker : construire un cadre de travail et une vision commune.
- Web-Weaver : créer du lien entre les expertises et les équipes.
- Game-Master : structurer le projet comme un espace de création.
- Flow-Balancer : maintenir l’engagement et éviter l’épuisement.
Il faut établir un cadre de confiance, poser des rituels de co-construction et maintenir les liens même dans la tension. Bref : innover, c’est composer. Et le chef d’orchestre doit savoir lire les silences autant que les partitions.
Nouvelles postures pour nouveaux projets
Les gestionnaires de projet en contexte d’innovation doivent développer des compétences qu’on ne trouve pas (encore) dans le PMBOK :
- Empathie radicale : capter les besoins profonds, même non exprimés
- Humilité épistémique : accepter qu’on ne sait pas encore
- Curiosité structurée : explorer sans se perdre
- Leadership adaptatif : mobiliser sans contraindre
- Pensée systémique : relier les impacts, anticiper les effets indirects
Un bon gestionnaire innovant est autant gardien du cap que maître du pas de côté. Il ou elle avance dans le flou avec méthode, guide sans imposer, stimule sans diriger.
Et si le vrai courage était de dire "stop" ?
Dans tout projet innovant, le risque de s’acharner est réel. C’est pourquoi il faut aussi un ou une Exit Champion : quelqu’un qui interroge la pertinence du projet, défend l’idée que se retirer peut être un succès et nous protège des projets zombies.
C’est une marque de maturité organisationnelle que de savoir quand arrêter. Ce rôle devrait être formalisé, car savoir dire non, c’est aussi protéger la vision d’ensemble et le portefeuille d’innovation.
En conclusion : piloter dans le brouillard
La gestion de projet innovant, ce n’est pas appliquer de méthodes traditionnelles à des enjeux nouveaux.
C’est changer de posture, élargir ses outils, accepter l’inconfort du flou. C’est avancer sans GPS, mais avec une boussole partagée. C’est bâtir tout en testant. C’est aligner des acteurs aux visions différentes autour d’une trajectoire commune.
Et surtout : ça ne se fait pas seul.
Les organisations qui réussissent à innover ne sont pas celles qui prédisent l’avenir.
Ce sont celles qui osent apprendre en avançant, tester sans crainte de l’échec, et co-construire dans l’incertitude.
Chez Interface&co, nous ne promettons pas une carte toute tracée.
Mais nous savons lire le vent, repérer les courants porteurs… et aider les équipes à construire leur cap, même quand il faut tracer la route à mesure.
Vous avez un projet flou, complexe, audacieux? Parlons-en.